Article rédigé par Maître Jean-Charles FOUSSAT, avocat au barreau de Paris et de Bruxelles.
La qualification d’agent commercial étant régulièrement contestée par certains mandants espérant ainsi priver leurs cocontractants de leurs droits liés au statut, il nous a paru utile de rappeler ici les éléments principaux qui caractérisent l’agent commercial.
L’agent commercial est défini à l’article L 134–1 du Code de commerce qui dispose : « L’agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d’achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d’industriels, de commerçants ou d’autres agents commerciaux. Il peut être une personne physique ou une personne morale et s’immatricule, sur sa déclaration, au registre spécial des agents commerciaux.
Ne relèvent pas des dispositions du présent chapitre les agents dont la mission de représentation s’exerce dans le cadre d’activités économiques qui font l’objet, en ce qui concerne cette mission, de dispositions législatives particulières. »
Cet article est d’ordre public. Concrètement, cela signifie que les dispositions qui définissent le statut de l’agent commercial sont impératives.
Cela a pour conséquence que la qualification d’agent commercial ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties dans le contrat ni de la dénomination qu’elles ont donné à leur convention mais de l’activité réellement exercée par le prestataire.
En d’autres termes, peu importe que le contrat soit intitulé « contrat de prestation de services », « contrat de partenariat », « contrat de courtage », etc., ou encore qu’il s’agisse d’un contrat verbal sans dénomination si l’objet du contrat est bien de confier une mission d’agent commercial au mandataire et que cette mission a bien été exécutée.
Ainsi, en pratique, en cas de contentieux, si ce point est discuté, le juge ne devra pas s’en tenir à la qualification donnée par les parties à leur relation mais rechercher, en fonction des modalités d’exécution réelle du contrat, si la personne se présentant comme un agent commercial a bien agi comme tel.
Mais qu’elle est la caractéristique fondamentale du statut de l’agent commercial ?
En premier lieu, l’agent commercial est un travailleur indépendant
Il ne peut donc s’agir d’un salarié. Ce premier critère ne pose pas de problème particulier.
En second lieu, il est nécessaire de rappeler que l’agent commercial est un mandataire
C’est ce que fait expressément l’article L134‑1 du Code de commerce (voir ci-dessus).
Or, la caractéristique d’un mandat est de donner pouvoir à un tiers, le mandataire, d’effectuer des actes juridiques au nom et pour le compte de celui qui donne le mandat. En d’autres termes, il faut donc que le mandataire puisse accomplir des actes juridiques et non de simples actes matériels.
Ainsi, faire des offres, conclure une vente avec un client au nom et pour le compte du fournisseur, etc. permettra en principe d’être considéré comme un mandataire. Sous réserve, évidemment, que le prestataire intervienne bien, en outre, au nom et pour le compte du fournisseur puisque si tel n’est pas le cas, il relèvera alors d’un autre statut, à savoir, notamment, le contrat de commission (pour mémoire, le commissionnaire agit pour le compte d’un donneur d’ordre mais en son nom propre et non au nom de ce donneur d’ordre).
A l’inverse, un visiteur médical qui « se contente » de présenter des produits, de nouvelles références, etc. à des médecins sans évoquer le prix et, a fortiori, sans faire d’offres ne pourra prétendre au statut d’agent commercial puisque, en agissant ainsi, il ne réalise pas d’acte juridique mais uniquement des actes matériels.
Enfin, si le prestataire se contente de rapprocher les parties sans représenter l’une d’elle, il s’agira alors plus probablement d’un apporteur d’affaires.
Troisième élément caractéristique du contrat d’agent commercial : le pouvoir de négociation du mandataire
Au cours des dernières années, de nombreuses juridictions, tant européennes que nationales, ont eu l’occasion de rappeler cette seconde caractéristique fondamentale du contrat d’agent commercial.
Ce pouvoir de négociation consiste à négocier la vente ou l’achat de marchandises ou de prestations de services pour le compte du mandant.
Or, contrairement à ce qu’a pu juger la Cour de cassation pendant de (trop) longues années, la notion de pouvoir de négociation doit s’entendre de façon large comme l’a récemment rappelé la Cour de justice de l’union européenne (CJUE 4 juin 2020 Trendsetteuse).
Ainsi un tel pouvoir ne signifie pas d’avoir le pouvoir de modifier les prix des produits proposés à la clientèle mais de faire en sorte que le client passe commande au profit du mandant.
Si la personne revendiquant l’application du statut d’agent commercial parvient à démontrer qu’elle bénéficiait également d’un pouvoir de négociation, elle pourra donc bénéficier de ce statut.
En définitive, la notion d’agent commercial peut être sujette à discussion dans certains cas. Toutefois, les contours de cette notion sont aujourd’hui passablement bien balisés. Cela devrait donc éviter un certain nombre de discussions inutiles, voire abusives, visant uniquement à retarder le plus longtemps possible l’octroi à l’agent commercial de son indemnité de fin de contrat.