Par Maître Jean-Charles Foussat / Cabinet AUMANS AVOCAT à Paris
Dans le cadre de toute relation contractuelle, la question de la loyauté est centrale. En effet, pour qu’une relation contractuelle puisse prospérer, il est impératif que les parties soient loyales l’une envers l’autre et qu’elles ne tentent pas de se porter préjudice réciproquement.
En droit de l’agent commercial, cette obligation de loyauté est particulièrement importante. En effet, bien qu’indépendant, l’agent commercial n’est pas un commercial comme un autre, c’est un mandataire. Cela signifie donc que lorsque l’agent commercial agit, il agit au nom et pour le compte de son mandant. L’agent commercial est ainsi autorisé à accomplir des actes juridiques pour le compte de son mandant. Compte-tenu de la communauté d’intérêt renforcée qui existe entre un agent commercial et son mandant, il est donc primordial que leur relation contractuelle soit axée autour d’une obligation de loyauté.
Pour l’agent commercial, cette obligation de loyauté va entraîner plusieurs conséquences. Parmi elles, l’obligation de non-concurrence. L’obligation de non-concurrence de l’agent commercial à l’égard de son mandant est double. Elle s’appliquera pendant la durée de la collaboration entre les parties, d’une part, éventuellement après la cessation de la collaboration entre les parties, d’autre part. Nous nous intéresserons ici à l’obligation de non-concurrence de l’agent commercial pendant l’exécution de son contrat.
L’obligation de non-concurrence pendant l’exécution du mandat : une obligation légale
Comme évoqué ci-dessus, l’obligation de non-concurrence de l’agent commercial pendant son contrat découle de la relation de confiance qui doit exister entre un mandant et son agent commercial.
Dans le prolongement du décret du 23 décembre 1958, cette règle est expressément prévue à l’article L. 134–3 du Code de commerce, prévoyant que l’agent commercial ne peut accepter la représentation d’une entreprise concurrente de celle de l’un de ses mandants sans accord de ces derniers.
Cette règle est dite supplétive de volonté. Ainsi, quand bien même le contrat de l’agent commercial ne lui interdirait pas expressément de représenter une entreprise concurrente de celle de son mandant sans l’autorisation préalable de ce dernier, cette règle s’appliquerait par défaut. Il est toutefois possible de déroger contractuellement à cette règle soit dans le corps du contrat lui-même soit pendant l’exécution de celui-ci en recueillant alors l’accord du mandant.
Preuve supplémentaire encore de l’importance de cette obligation de non-concurrence, la jurisprudence rappelle fréquemment que le fait pour l’agent commercial de représenter une entreprise concurrente de celle de son mandant sans avoir obtenu l’autorisation préalable de ce dernier est constitutif d’une faute grave, faute justifiant la rupture du contrat aux torts de l’agent commercial avec effet immédiat et sans indemnité (Cass. com., 30 mai 2007 ; Cass. com., 16 mars 1993).
Quelques remarques sur l’application de l’article L.134–3 du Code de commerce
Première observation : la concurrence par l’agent lui-même
Bien que l’article L. 134–3 du Code de commerce fasse uniquement référence à la représentation d’entreprises concurrentes par l’agent commercial, il serait contraire à l’esprit de la loi de permettre à l’agent de concurrencer personnellement et pour son propre compte son mandant.
Ainsi, même en l’absence de clause expresse en ce sens prévue au contrat, l’obligation de non-concurrence s’étend aux activités concurrentes de l’agent commercial pour son propre compte.
Dans la même logique, l’agent commercial ne saurait s’exonérer de son obligation de non-concurrence au motif qu’il ne serait pas intervenu pour le compte d’une entreprise concurrente en tant qu’agent commercial mais sous un autre statut (par exemple : salarié, apporteur d’affaires, mandataire social d’une société…).
Deuxième observation : notion d’entreprise concurrente
Il n’existe pas de définition légale de la notion d’entreprise concurrente. En cas de contentieux, ce sont donc les tribunaux qui vont devoir apprécier au regard de l’activité des deux entreprises si oui ou non celles-ci ont une activité concurrente.
Les produits n’auront pas besoin d’être identiques pour que les sociétés soient concurrentes.
Un critère pertinent pour apprécier la concurrence sera celui de la substituabilité des produits.
En tout état de cause, les tribunaux ont tendance à retenir une conception assez large de la concurrence et assez binaire.
Ainsi, si à l’occasion d’un contentieux, il faut dix pages de conclusions pour expliquer en quoi les produits de deux fournisseurs ne sont pas concurrents, il y a de fortes chances pour que le tribunal saisi retienne la concurrence.
Troisième observation : entreprise concurrente et produits concurrents
L’article L 134–3 du Code de commerce interdit à l’agent la représentation d’une entreprise concurrente.
La violation de l’obligation de non-concurrence n’implique donc pas de vendre les produits concurrents de la seconde entreprise. Le seul fait de travailler pour l’entreprise concurrente suffit à violer l’obligation de non-concurrence qui incombe à l’agent commercial pendant son contrat.
Le non respect de la clause de non-concurrence peut être considéré comme une faute grave
En définitive, l’obligation de non-concurrence de l’agent commercial pendant l’exécution de son contrat est une obligation importante à la charge de l’agent commercial. Celui-ci ne doit pas la prendre à la légère et ne doit pas se méprendre sur ce qu’elle implique.
Ainsi, il convient de ne pas oublier que la portée de cette obligation diffère de l’obligation de non-concurrence post-contractuelle puisque l’obligation de non-concurrence de l’agent commercial pendant son contrat vise les entreprises concurrentes.
La violation d’une telle clause par l’agent commercial peut lui être particulièrement préjudiciable, étant traditionnellement considérée comme une faute grave de l’agent commercial par les tribunaux.