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Arrêt du 4 juin 2020 de la CJUE (Cour de justice de l’Union européenne)

À rete­nir : cet arrêt est très impor­tant pour les agents com­mer­ciaux.

La controverse était la suivante

Un agent com­mer­cial est-il bien un agent com­mer­cial quand il est inter­mé­diaire du com­merce en ven­dant les pro­duits du man­dant selon des tarifs pré­cis ou est-il vrai­ment agent com­mer­cial quand il a le pou­voir de faire varier les prix ou tarifs des pro­duits ou ser­vices vis-à-vis des clients ?

La réponse est à présent

Il n’est plus néces­saire de déte­nir le pou­voir de faire varier les prix ou tarif pour reven­di­quer le sta­tut de l’agent commercial.

L’enjeu

Le paie­ment de l’indemnité de rup­ture qui est due aux agents com­mer­ciaux quand leurs man­dants décident de mettre un terme à leur collaboration.

La Cour de Justice de l’Union Européenne s’est prononcée sur la notion de NÉGOCIATION

Cette notion s’avère très impor­tante pour les agents com­mer­ciaux car elle déter­mine le sta­tut même de l’agent commercial.

En quoi consiste le mot NEGOCIATION ?

Il est impor­tant de bien défi­nir le mot NEGOCIATION car jusqu’à pré­sent il condi­tion­nait le sta­tut même de l’agent commercial.

Selon l’article 1° de la directive européenne 

1 – « Les mesures d’harmonisation pres­crites par la pré­sente Directive s’appliquent aux dis­po­si­tions légis­la­tives, régle­men­taires et admi­nis­tra­tives des Etats membres qui régissent entre les agents com­mer­ciaux et leurs commettants.

2 – Aux fins de la pré­sente direc­tive, l’agent com­mer­cial est celui qui, en tant qu’intermédiaire indé­pen­dant, est char­gé de façon per­ma­nente, soit de négo­cier la vente ou l’achat de mar­chan­dises pour une autre per­sonne, ci-après dénom­mée « com­met­tant », soit de négo­cier et de conclure ces opé­ra­tions au nom et pour le compte du commettant.

3- Un agent com­mer­cial aux fins de la pré­sente Directive en peut être notamment :

  • Une per­sonne qui, en qua­li­té d’organe, a le pou­voir d’engager une socié­té ou une association,
  • Un asso­cié qui est léga­le­ment habi­li­té à enga­ger les autres associés
  • Un Administrateur judi­ciaire, un liqui­da­teur ou un syn­dic de faillite.

En clair 

  • Est-ce que pour reven­di­quer son sta­tut (et donc sa pro­tec­tion juri­dique), l’agent com­mer­cial doit-il négo­cier ? En quoi consiste cette négo­cia­tion ? Comment la défi­nir au plus juste ?
  • L’agent com­mer­cial doit avoir le pou­voir de faire varier les prix des pro­duits ou ser­vices qu’il vend aux clients ?

Rappel (extraits choisis)

La Directive Européenne 86/653 a été trans­po­sée dans le droit fran­çais par la loi n° 91–593 du 25 juin 1991, rela­tive aux rap­ports entre les agents com­mer­ciaux et leurs man­dants (JORF du 27 juin 1991, p. 8271). L’article 1° de cette loi, codi­fié à l’article L.134.1 du Code du Commerce est ain­si libellé :

« L’agent com­mer­cial est un man­da­taire qui, à titre de pro­fes­sion indé­pen­dante, est char­gé de façon per­ma­nente, de négo­cier et, éven­tuel­le­ment, de conclure des contrats de vente, au nom et pour le compte de pro­duc­teurs, de commerçants.

Le tri­bu­nal de Paris a déci­dé de sur­seoir à sta­tuer et de poser à la Cour la ques­tion pré­ju­di­cielle suivante :

« L’article 1°, para­graphe 2, de la Directive (86/653) doit il être inter­pré­té en ce sens (….) qu’un inter­mé­diaire indé­pen­dant, agis­sant en tant que man­da­taire au nom et pour le compte de son man­dant, qui n’a pas le pou­voir de modi­fier les tarifs et condi­tions contrac­tuels des contrats de vente de son com­met­tant, n’est pas char­gé de négo­cier les­dits contrats au sens de cet article et ne pour­rait par voie de consé­quence être qua­li­fié d’agent com­mer­cial et béné­fi­cier du sta­tut par la Directive ? »

Sur la question préjudicielle

Par sa ques­tion pré­ju­di­cielle, la juri­dic­tion de ren­voi demande, en sub­stance, si l’article 1°, para­graphe 2, de la Directive 86/653 doit être inter­pré­té en ce sens qu’une per­sonne doit néces­sai­re­ment dis­po­ser de la facul­té de modi­fier les prix des mar­chan­dises sont elle assure la vente pour le compte du com­met­tant pour être qua­li­fiée « d’agent com­mer­cial » au sens de cette disposition.

A cet égard, l’article 1°, para­graphe 2, de cette Directive défi­nit, aux fins de celle-ci, l’agent com­mer­cial comme étant celui qui, en tant qu’intermédiaire indé­pen­dant, est char­gé de façon per­ma­nente, soit de négo­cier la vente ou l’achat de mar­chan­dises pour une autre per­sonne, dénom­mée « com­met­tant », soit de négo­cier et de conclure ces opé­ra­tions au nom et pour le compte du commettant.

Cette dis­po­si­tion énonce ain­si trois condi­tions néces­saires et suf­fi­santes pour qu’une per­sonne puisse être qua­li­fiée d’agent com­mer­cial. Premièrement, cette per­sonne doit pos­sé­der la qua­li­té d’intermédiaire indé­pen­dant. Deuxièmement elle doit être liée contrac­tuel­le­ment de façon per­ma­nente au com­met­tant. Troisièmement, elle doit exer­cer une acti­vi­té consis­tant soit à négo­cier la vente ou l’achat de mar­chan­dises pour le com­met­tant, soit à négo­cier et à conclure ces opé­ra­tions au nom et pour le compte de celui-ci (arrêt du 21 novembre 2018, ZAko, C‑452/17 ‚EU :C :2018 :935, point 23).

En l’occurrence, il y a lieu de défi­nir le sens du terme « négo­cier » visé par la troi­sième de ces condi­tions, aux fins d’établir si celui-ci implique néces­sai­re­ment, pour qu’une per­sonne ait la qua­li­té d’agent com­mer­cial, qu’elle dis­pose du pou­voir de modi­fier les prix des mar­chan­dises dont elle assure la vente pour le compte du commettant.

A cet égard, il y a lieu de rele­ver que, si la Directive 86/653 ne défi­nit pas le terme « négo­cier », le fait que l’acte négo­cia­tion visé à l’article 1°, para­graphe 2, de cette Directive doit por­ter sur « la vente ou l’achat de mar­chan­dises pour le com­met­tant » met en évi­dence la volon­té du légis­la­teur de l’Union que cet acte ait comme objec­tif la conclu­sion de contrats de vente ou d’achat pour le compte du commettant.

A cet égard, selon une juris­pru­dence constante, la déter­mi­na­tion de la signi­fi­ca­tion et de la por­tée des termes pour les­quels le droit de l’Union ne four­nit aucune défi­ni­tion doit être éta­blie confor­mé­ment au sens habi­tuel de ceux-ci dans le lan­gage cou­rant, tout en tenant compte du contexte dans lequel ils sont uti­li­sés et des objec­tifs pour­sui­vis par la régle­men­ta­tion dont ils font partie.

Il convient, par suite d’interpréter le terme « négo­cier », figu­rant à l’article 1° para­graphe 2, de la Directive 86/653, en tenant compte du contexte dans lequel s’inscrit cette dis­po­si­tion et des objec­tifs pour­sui­vis par cette Directive.

Or, un tel contrat peut pré­voir les prix de vente des mar­chan­dises, sans qu’il soit pos­sible pour l’agent com­mer­cial de les modi­fier dans le cadre de la négo­cia­tion. En effet, une telle fixa­tion contrac­tuelle des prix de vente des mar­chan­dises peut être jus­ti­fiée par des rai­sons de poli­tique com­mer­ciale, laquelle requiert la prise en compte de fac­teurs tels que la posi­tion d’une entre­prise sur le mar­ché, les prix pra­ti­qués par les concur­rents et la péren­ni­té de cette entreprise.

Deuxièmement, la cir­cons­tance qu’un agent com­mer­cial ne dis­pose pas de la facul­té de modi­fier les prix des mar­chan­dises dont il assure la vente pour le compte du com­met­tant n’empêche pas l’accomplissement par l’agent com­mer­cial de ses tâches prin­ci­pales, telles que décrites dans la Directive 86/653.

Il res­sort, en effet, d’une lec­ture com­bi­née de l’article 4, para­graphe 3, et de l’article 17, para­graphe 2, sous a/ de la Directive 86/653 que les tâches prin­ci­pales d’un agent com­mer­cial consistent à appor­ter de nou­veaux clients au com­met­tant et à déve­lop­per les opé­ra­tions avec les clients existants.

Eu égard à ce qui pré­cède, il y a lieu de répondre à la ques­tion posée que l’article 1°, para­graphe 2, de la Directive 86/653 doit être inter­pré­té en ce sens qu’une per­sonne ne doit pas néces­sai­re­ment dis­po­ser de la facul­té de modi­fier les prix des mar­chan­dises dont elle assure la vente pour le compte du com­met­tant pour être qua­li­fiée d’agent com­mer­cial, au sens de cette disposition.

La Cour dit pour droit 

L’article 1°, para­graphe 2, de la Directive 86/653/CEE du Conseil, du 18 décembre 1986, rela­tive à la coor­di­na­tion des droits des Etats membres concer­nant les agents com­mer­ciaux indé­pen­dants, doit être inter­pré­té en ce sens qu’une per­sonne ne doit pas néces­sai­re­ment dis­po­ser de la facul­té de modi­fier les prix des mar­chan­dises dont elle assure la vente pour le compte du com­met­tant pour être qua­li­fiée d’agent com­mer­cial, au sens de la disposition.

Extrait de l’Audience publique à Luxembourg
Le 4 juin 2020